Maltraitance à l’égard des enfants

Aujourd’hui, la maltraitance psychologique est encore trop sous-estimée, voir ignorée, y compris par les intervenants qui prennent en charge les problèmes par rapport aux enfants et à la famille, et ceux qui se préoccupent des droits essentiels des enfants. En relation avec leurs formations et leur sensibilité, ces professionnels ne reçoivent pas toujours une information spécifique et consistante sur cette problématique et la considèrent comme moins sérieuse et moins dommageable envers les enfants que les autres formes d’abus.

Définitions

A la différence de la maltraitance physique ou l’agression sexuelle, les sévices psychologiques envers les enfants sont plus difficiles à cerner et à définir. La maltraitance psychologique recouvre différents concepts. Elle comprend diverses formes d’injustice psychologiques et affectives subis pars les enfants. Elle correspond avec diverses attitudes délibérées des adultes (des parents ou des éducateurs) qui entravent le développement affectif, intellectuel et relationnel de l’enfant.

La maltraitance psychologique ou émotionnelle peut se définir comme toute attitude intentionnelle durablement agressive ou rejetante envers l’enfant. En l’absence de blessures ou de séquelles, cette forme spécifique de maltraitance est plus difficile à diagnostiquer. Les troubles présentés par l’enfant ne sont pas toujours évident à détecter et se retrouvent dans d’autres tableaux psychologiques que clinique. L’’anxiété dépressive, l’idéation suicidaire, les sentiments d’infériorité, les problèmes de comportements, l’agressivité et les retards pédagogiques inexpliqués sont autant de troubles interférant avec la structuration de la personnalité, l’individuation et la socialisation de l’enfant.

Pour être efficace, une définition doit être rendue opérationnelle et au service d’une élaboration diagnostique rigoureuse et d’une intervention adaptée.

  • Rejeter. L’adulte refuse d’accorder de l’importance, de la valeur et de l’attention au près de l’enfant et ne lui reconnaît aucune légitimité à travers ses besoins et ses désirs. Ces attitudes incluent l’absence de démonstration d’affection ou de considération pour la personne de l’enfant considéré comme un échec ou un défaut, et le refus de le reconnaître pour lui-même comme un être en devenir.
  • Isoler. L’adulte coupe l’enfant de l’extérieur, l’empêche d’avoir des expériences sociales, de nouer des relations d’amitié avec ses pairs et lui fait croire qu’il est seul au monde. Ces attitudes d’isolation comprennent aussi des interdictions de contacts sociaux avec des camarades, de participer aux activités normales de la famille et l’enfermement à clef de l’enfant dans sa chambre, une pièce, un grenier ou une cave.
  • Terroriser. L’adulte agresse l’enfant verbalement, entretient un climat de terreur autour de lui, l’intimide ou lui fait peur. Tout en nourrissant les angoisses de l’enfant, il lui fait croire que le monde est dangereux et ostile. Les attitudes de terrorisme incluent aussi les menaces au moyen d’armes, de couteaux ou de fouets. L’enfant peut être le témoin de terrorisme domestique (disputes conjugales par exemple) et en souffrir indirectement, mais dans notre modèle de maltraitance émotionnelle, les actes terroristes visent directement la personne de l’enfant. L’enfant peut aussi être l’enjeu de violences domestiques dont il est témoin privilégié, voire le déclencheur. Il est entendu que le fait d’être directement victime d’actes terroristes engendre chez l’enfant autant de détresse émotionnelle, de perturbations psychologiques et influence autant son développement psychoaffectif, que lorsqu’il est témoin d’un meurtre, d’une catastrophe ou de tout autre événement traumatique. Mais suivant nos définitions, ces événements traumatiques externes ne peuvent être considérés comme de la maltraitance psychologique au sens premier, même s’ils affectent en profondeur la structure de la personnalité de l’enfant. Cette distinction doit également être opérante notamment dans les situations juridiques de dispute parentale autour de l’exercice du droit de garde où l’enfant est pris en otage et subit des pressions psychologiques importantes ou du chantage affectif.
  • Ignorer. L’adulte prive l’enfant de toutes stimulations et de toutes réponses essentielles et nécessaires à son épanouissement émotionnel et à son développement intellectuel. L’adulte évite d’assumer ses responsabilités envers l’enfant et le prive de références fondamentales à son développement personnel. En ignorant ses besoins fondamentaux de stimulation et de reconnaissance, l’adulte empêche l’enfant de s’affirmer. Ces attitudes intentionnelles incluent l’ignorance du nom de l’enfant, l’absence d’affection et l’indifférence flagrante.
  • Corrompre. L’adulte empêche l’enfant de devenir sociable, l’entraîne à des comportements antisociaux et destructeurs, renforce des attitudes déviantes et le confronte à des expériences marginales inadéquates. Ces attitudes corrompues et malhonnêtes encouragent l’enfant à commettre des actes délictueux et le conditionnent à acquérir des conduites antisociales. La corruption psychologique de l’enfant peut inclure l’apprentissage de conduites sexuelles déviantes, l’exploitation des autres, les trafics, toutes les activités hors la loi. La psychopathie de l’adulte déteint rapidement sur l’enfant. Il en perd ses repères sociaux et ne respecte plus les limites. Les valeurs sont inversées. Le mal est bien et le bien devient mal.
  • Agresser verbalement. L’adulte blesse l’enfant constamment en l’insultant, se montre d’une extrême sévérité, en le traitant avec toutes sortes de sobriquets ou surnoms dégradants et humiliants, en lui tenant des propos sarcastiques, en le rabaissant et en agressant son amour-propre. Les attitudes d’agression verbale contiennent des propos intentionnels précis visant l’intégrité de la personne de l’enfant, son apparence physique et dénigrant son existence. L’adulte répète à l’enfant qu’il ne vaut rien, qu’il est mauvais, qu’il sent mauvais, qu’il est laid, ridicule, petit, bon à rien et repoussant, etc.
  • Opprimer. L’adulte impose à l’enfant des prérogatives exigeantes et démesurées. Il fait pression sur l’enfant pour qu’il réussisse mieux et plus rapidement que les autres au niveau de ses études, ou qu’il devienne le meilleur sportif de sa classe, qu’il soit parfait, le plus beau, le plus fort et le plus intelligent. L’oppression continue laisse croire à l’enfant qu’il n’est jamais à la hauteur et qu’il peut toujours mieux faire. La mise sous pression permanente de l’enfant comprend des attentes excessives, précoces et incompatibles avec son âge et son niveau de développement. Ces attitudes oppressives s’accompagnent de punitions exagérées et injustifiées, de remarques et critiques insupportables, et surtout de comparaisons désobligeantes avec ceux qui sont plus performants ou plus doués que lui.

La nuisibilité de la maltraitance psychologique

L’évaluation de la maltraitance psychologique prend en considération le degré de gravité des attitudes constatées. Il existe des niveaux dans la gravité des attitudes maltraitantes. Cette gravité repose principalement sur une combinaison graduée d’intention et de nuisibilité. D’un point de vue criminologique, une action commise avec l’intention de nuire à une personne et dont les conséquences sont désastreuses correspond à une agression émotionnelle sévère. Par contre, une attitude oppressive non intentionnelle avec une légère probabilité de vouloir faire du mal à une personne est considérée comme ayant un degré de faible sévérité. Les situations qui se situent entre l’intention de faire du mal et une faible probabilité d’atteindre gravement la personne sont considérées comme une gravité modérée. Autant certains cas d’abus émotionnels sont commis sans intention explicite, autant ceux pratiqués avec l’intention de nuire peuvent être considérés comme plus graves.

L’évaluation doit cependant rechercher des attitudes se produisant souvent qui démontrent que l’abus a été commis avec mauvaise intention à l’égard de l’enfant. Une attitude maltraitante même ponctuelle doit être située dans son contexte. L’intention et la volonté de nuire sont évaluées comme une dynamique relationnelle particulière. Outre l’évaluation de la sévérité de la maltraitance psychologique, les conséquences pour l’enfant, la personnalité des parents et la dynamique familiale doivent aussi faire l’objet d’une analyse prudente et rigoureuse. La qualification d’une action maltraitante selon son degré de gravité n’est donc pas une opération facile et relève autant de la responsabilité des experts de la santé mentale que des professionnels de la protection de l’enfance. Suivant notre schéma d’évaluation et d’intervention, les cas d’abus les moins sévères sont orientés vers un type de thérapeutique et/ou éducatif, et les situations les plus graves requièrent plutôt une action judiciaire et/ou médico-légale.

Evaluation du degré d’importance des abus émotionnels

Dans une situation de peur de maltraitance psychologique, l’intervenant doit se préoccuper de relever des indicateurs pertinents d’agression émotionnelle et faire une choix diagnostique rigoureux.

Absence d’agression émotionnelle

Il n’existe pas d’éléments vérifiant la maltraitance psychologique et prouvant une quelconque agression émotionnelle envers l’enfant. L’évaluation n’est pas facile d’autant que certaines attitudes éducatives parentales peuvent se prêter à quelques théories. Certaines punitions, interdictions ou privations peuvent apparaître comme sévères et ressembler à des conduites abusives. Une observation vigilante et continue de l’ensemble des interactions entre les parents et l’enfant permet de clarifier la situation. Le relevé de facteurs de risque dans les antécédents et l’évaluation de l’ambiance familiale peuvent servir de critères déterminant concernant les transactions abusives suspectées.

Abus émotionnel de faible gravité

L’abus émotionnel de faible gravité correspond à un problème de parentalité plutôt qu’à des attitudes volontairement oppressif, impliquant des atteintes émotionnelles chez l’enfant. Le risque de danger pour l’enfant est futile. S’il n’y a pas lieu de faire un signalement aux autorités judiciaires, une consultation thérapeutique s’avère nécessaire pour mise au point. Dans ces situations, il s’agit souvent de pressions éducatives liées à la scolarité et exercées par des parents bienveillants qui ne cherchent pas à nuire à l’enfant et qui sont en demande de soutien dans l’exercice, parfois difficile, de la parentalité. Les attitudes parentales et les non réponses de l’enfant révèlent souvent des problèmes de communication interne. Quelques séances de thérapie familiale suffisent à guider les conduites éducatives, à restaurer un meilleur climat et une meilleure entente entre les membres de la famille. Les exemples les plus fréquents sont rapportés par les élèves qui ont des parents enseignants. Ils souffrent des intransigeances, voire de l’agressivité, de parents qui confondent leur rôle familial avec leur statut professionnel. Certains enfants passent des heures entières enfermés dans leur chambre à étudier et à faire des devoirs jusqu’à être privé de loisirs et de contacts avec leurs amis. Les pressions éducatives sur l’enfant sont parfois influencées par un contexte socioculturel particulier (ex.: famille intégriste, milieu sectaire, Témoins de Jéhovah, famille militaire, parents psychologues, etc. )

Abus émotionnel de gravité modérée

L’abus émotionnel de gravité modérée est caractérisé par l’intention de nuire ou de blesser affectivement l’enfant sans le vouloir, sans toutefois relier les deux attitudes. Parce que ces actions abusives ne sont pas sans gravité et clairement dommageables pour l’enfant, elles doivent faire l’objet d’une information judiciaire préventive. L’intervention des services de protection judiciaire de l’enfance peut servir de soutien à une mesure de guidance éducative et thérapeutique. L’exemple le plus courant se retrouve dans les situations de séparation parentale où la mère dénigrant le père de manière systématique en présence de l’enfant. Ce dernier développe des troubles relationnels spécifiques en relation avec certains adultes et font suspecter l’entourage maternel qu’il est probablement l’objet de sévices (sexuels) de la part de son père.

Abus émotionnel sévère

L’abus émotionnel sévère est caractérisé par des actions qui infligent intentionnellement à l’enfant des blessures émotionnelles. Bien que l’adulte soit informé que ces actions peuvent engendrer de la détresse psychique chez l’enfant, il persiste dans ses attitudes. L’adulte n’est pas capable d’en prendre conscience bien souvent parce qu’il souffre lui-même de perturbations plus ou moins psychopathologiques. Il est dès lors incapable de contrôler ses conduites abusives envers l’enfant. Dans ce cas, l’intentionnalité, voire la responsabilité, des actions sont moins clairement établies étant donné l’état psychique de l’adulte. Cependant, la souffrance émotionnelle de l’enfant est proportionnelle aux attitudes psychiquement abusives et destructrices. Les antécédents psychiatriques des parents, les perturbations familiales répétées, les traumatismes personnels des parents et l’instabilité de l’histoire de l’enfant sont des indicateurs importants pouvant clarifier la situation. Certaines familles paranoïaques à transactions psychotiques fonctionnent parfois sur ce modèle d’abus émotionnel systématique. Le psychisme pathologique d’un parent peut enfermer l’enfant dans un fonctionnement psychogène qui va grever son développement. La dangerosité de cette situation particulièrement anormal, exige l’intervention du système judiciaire. A défaut d’une intervention thérapeutique et sociale efficace auprès de la famille, l’éloignement de l’enfant de son milieu avec maintenance des contacts familiaux peut être envisagé. L’enfant nécessite souvent une intervention thérapeutique individuelle. C’est l’exemple de la petite fille souffrant du rejet de sa mère dépressive qui ne l’a pas désirée et qui lui reproche de lui avoir gâché l’existence; l’enfant montre peu ses affects et n’entretient guère de contacts avec les autres; mais lors d’un jeu, elle explique après avoir tué sa poupée que tout irait mieux si elle n’était pas née.

Les conséquences sur l’enfant

Les conséquences de la maltraitance psychologique sont indentiques à celles observées dans les autres types de maltraitance. Face à de tels sévices, l’enfant en ressort rarement indemne. L’impact dépend toutefois de l’intensité du traumatisme vécu, des réactions de l’entourage social et des ressources personnelles de l’enfant. Dans les cas de crise grave, l’enfant peut développer toute une série de plaintes physiques: insomnie, nausées, douleurs abdominales, etc. Dans les situations chroniques, des troubles psychopathologiques apparaissent comme : anxiété dépressive, phobies, rites obsessionnels, cauchemars, peurs, repli sur soi, etc. Ces symptômes sont alors significative des attitudes néfastes des parents et du dysfonctionnement des transactions familiales. D’un point de vue systémique, l’enfant est le vecteur de la pathologie familiale dont il est l’enjeu. Avec des sentiments de résignation masochiste ou par habitude, l’enfant occupe une place de patient désigné ou joue le rôle de bous émissaire. Son stress émotionnel est important mais il va tenter de camoufler la réalité de son vécu.

Lorsque la situation est dévoilée, il a peur des réactions de ses parents et adopte des attitudes de soumission et de fuite. Il va tenter de protéger ses parents et convaincre ses interlocuteurs qu’il est seul responsable de ces problèmes. Malgré sa souffrance, il demande parfois à réintégrer rapidement son domicile.

Vous avez d’autres questions ou des doutes (notamment de savoir si l’on peut répondre à votre demande) ? Téléphonez à notre secrétariat pour prendre rendez-vous ou envoyez un email au secrétariat du cabinet Psychologue enfant à l’attention du psychologue de votre choix.

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